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Lor-K Interview | France

Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Lor-K, 26 ans. J’utilise les objets abandonnés pour créer des sculptures de rues. Partir à la recherche d’objets délaissés sur nos trottoirs, pour les transformer, directement sur le lieu de trouvaille. Abandonnée dans l’espace urbain, chaque mise en scène est éphémère. Des traces sont conservées pour être partagées en lieu d’exposition. J’attache une grande importance à la retranscription des interventions urbaines.
A quel moment as-tu vu tes premiers tags, graffes, pochoirs ou collages ?
Le déclic, vers 11/12 ans à Arcueil dans le 94. En allant à l’école je suis tombé sur un tag : « 6TRON ». Pas plus grand qu’une main, sur un générateur électrique marron. Dans le fond, je ne savais même pas ce que c’était… Pose sauvage, extérieure, insolite ; Jeu entre chiffre et lettre (Pas de portable! Alors un 6 et quatre lettres qui font lire citron! wouah!) Avec, en plus, sa couleur « jaune citron » cette écriture, ce tag m’a bousculé et fait sourire… Je ne connaissais personnes dans mon entourage pouvant nommer ces choses ! A partir de ce moment, j’ai commencé à observer les blazes. Naïvement sans même avoir conscience du mouvement en cours…
Est-ce que cela t’a donné envie de faire la même chose ?
Rapidement, j’ai commencé à en faire sur des planches, cartons etc… Mon père avait des bombes dans sa caisse à outils, je tentais d’écrire quelques mots avec, mais sans réelle conviction… Plus une curiosité de la technique.
Où as-tu « posé » pour la première fois et pourquoi as-tu eu envie de t’exprimer dans la rue ?
Mes tentatives sont longtemps restées naïves, plus comme un challenge, une curiosité de l’expérience et du contexte. La première fois c’était une rue peu passante dans le 94, sur un mur de résidence, une amie m’accompagnait… Un personnage que j’avais l’habitude de dessiner enfant, un champignon avec des yeux. Trois bombes, trois couleurs, un dessin à main levé… Malgré plusieurs tentatives, je n’ai jamais réussi à m’épanouir sur le mur : j’étais toujours insatisfaite !
Est-ce un passage obligé dans ta création artistique ?
Difficile de parler de passage obligé… la vie, les rencontres, les interactions font que certains choix sont pris à des moments, consciemment ou non. Sans dire que ce passage était obligé, il a certainement eu une forte influence sur ce que je fais aujourd’hui. Une sorte d’étape fondatrice ! Je n’aurai pas posé de tags pourris, de pochoirs mal fait et de collages ratés, je n’aurai peu être jamais pensé à développer ce que je fais aujourd’hui…
Que penses-tu du graffiti ?
J’apprécie toutes tentatives de créations extérieures… Que ce soit un graffiti posé par un pro de 50 ans, ou du street art réalisé par un novice de 16 ans : l’un comme l’autre se confrontent à la même expérience (la création par l’intervention en espace urbain). Tout l’intérêt artistique dépendra des choix que l’artiste prendra pour pérenniser son activisme et ses réflexions.
Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours ?
Passé l’enfance, les tentatives murales ratées et les déboires scolaires je rejoins une fac d’art plastique (Il y a maintenant 5 ans…). C’est là que tout s’est enchaîné, comme une évidence. J’aimais la bombe pour ses aspects techniques, je passais mon temps à trouver des objets dans les rues et je bloquais sur le mur que je n’arrivais pas à m’approprier…
La sculpture s’est alors imposer à moi ! Utiliser les objets abandonnés comme matière première. Pas seulement comme support, mais comme vecteur. Les utiliser sur leur lieu d’abandon, avec tout les sens qu’ils évoquent, pour créer des sculptures de rue éphémères. S’imposer dans l’espace, changer les trajectoires, proposer une nouvelle vision, insolite et éphémère. Paris est ma ville principale d’action, sans distinction de quartier, j’interviens là où je trouve !
Dès le départ, la trace a pris une place importante… Pas seulement la trace urbaine éphémère, mais plutôt la trace pérenne de cet art éphémère… Le spectateur, en lieu d’exposition doit pouvoir contextualiser la création urbaine. L’interaction entre contexte et création doit apparaitre. La photographie, la vidéo, l’écriture, ou tout autre médium est envisageable tant qu’il permet de garder trace. L’intervention est déterminée par le lieu de l’objet abandonné, je me retrouve à poser hors des spots habituels. Les rencontres avec d’autres artistes sur le terrain sont jusqu’à présent inexistante.
As-tu agi à l’étranger ?
Eté 2012, j’étais en plein dans le projet Objeticide, je partais une semaine en découverte de Berlin. Je me suis dis : « Autant ramener un peu de matos au cas où je trouve des objets ». Curieuse, je me demandais si j’allais tomber sur leur même omniprésence. Six interventions ont finalement vu le jour ! C’est à partir de ce moment que la question du territoire a sérieusement commencé à me préoccuper.
Avant d’envisager concrètement « la conquête » de pays étranger, j’ai eu la curiosité de découvrir notre territoire national. Le projet Divinité Urbaine s’est déroulé en août 2013. Intervenir dans la ville la plus urbanisée de chaque région (soit 22 villes au totale). Comme une sorte de prospection. Avec des amis proches, qui connaissent mes méthodes de travail, nous avons sillonné la France… L’intervention s’envisage- t-elle différemment en terrain inconnu ? Les objets abandonnés sont-ils présents partout ? De nombreuses questions m’ont motivées !
As-tu exposé en galerie ?
Actuellement mon parcours s’instaure essentiellement hors-galerie. Jusqu’à présent terrain de désaccord, les propositions faites ont trop souvent été en contradiction avec ma démarche. La recherche, la mémoire, l’archivage me poussent à m’intéresser davantage à l’institution plus qu’au marché.

Est-ce que tu vis de ton art ?

Non, J’ai rarement eu l’occasion de mettre mes œuvres en vente. Je suis actuellement étudiante, en pleine rédaction d’un mémoire (l’art urbain, trace éphémère et pérenne) ses pièces sont la base et en même temps la concrétisation de mes réflexions. Lorsqu’un projet se conclut, les pièces finales entrent dans une boite qui enferme à jamais une période de ma vie, et celles d’inconnus. Même si j’aimerais en vivre ce n’est finalement pas un but en soi.

As-tu des anecdotes ?
« L’anecdote » qui m’a le plus marquée jusqu’à présent, est celle de l’Objeticide N°4. Je suis avec une amie, je veux éventrer le frigo que l’on vient de trouver. Avec marteau et vacarme, on s’acharne à tour de rôle sur la tôle… Un homme d’une cinquante d’années, nous voyant galérer, s’arrête et nous propose son aide avec simplicité. Sans poser de questions, il prend le marteau et éventre le frigo en quelques gestes pour repartir aussitôt ! Souriantes, nous venions apparemment de lui offrir la séance de défoulement dont il avait besoin ! Tout ça sous le regard de deux ASVP sidérés et impuissants !
“Chaque intervention à son histoire …”
Plus récemment, ça me fait penser au nuage de Marseille pour le projet Divinité Urbaine… Un père et son fils de 4 ans passent devant l’installation, l’enfant curieux s’arrête et demande ce que c’est. Son père lui répond naïvement : « C’est un nuage ! Tu vois bien ! » Le gosse émerveillé s’approche pour toucher et prendre un bout de mousse. Heureux, il croyait toucher un nuage, il est parti souriant avec son bout de nuage à la main, criant : « J’ai du nuage ! J’ai du nuage ! » Toutes les interventions produisent à leur manière des événements bizarrement touchants ! Plus que des simples anecdotes, là est certainement tout le souvenir et l’authenticité de l’œuvre urbaine….
Courtesy : Paris Tonkar
Interview : Tarek Ben Yakhlef
Photographies : Lor-K

LosOtros Mj Tom is Writer, Curator and Urban Artist. For more on his work please check here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here and here.